Gliomes diffus de bas grade

, par  Hugues DUFFAU , popularité : 5%
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* 5. Radiothérapie

La place de la radiothérapie dans le traitement des GDBG a été totalement révisée ces dernières années : alors que l’irradiation précoce a longtemps été prônée, l’irradiation doit dorénavant être différée. En effet, une étude prospective randomisée (EORTC 22845) comparant la radiothérapie tardive versus précoce a montré que, même si la survie sans progression avait été majorée lors d’une radiothérapie précoce, aucune différence significative n’avait été finalement retrouvée sur la survie globale du fait du délai de l’irradiation (74). Qui plus est, les patients traités par irradiation pan-encéphalique ont vu une incidence supérieure de leucoencéphalopathie et de déficits cognitif par rapport aux ceux avec une radiothérapie focale. Une étude récente a également démontré chez des patients avec un suivi neuropsychologique de 12 ans et sans récidive tumorale que ceux sans irradiation avaient préservé leur statut cognitif alors que ceux irradiés présentaient une aggravation des fonctions exécutives et attentionnelles ainsi qu’un ralentissement du traitement de l’information dans 57% des cas (18). L’étude multivariée était en faveur d’une atteinte prédominante des fonctions attentionnelles. Par ailleurs, deux essais randomisés ont étudié différentes doses d’irradiation : les études EORTC (45 versus 59.4 Gy) et NCCTG (50.4 versus 64.8 Gy) n’ont montré aucun avantage des hautes doses par rapport à de plus faibles doses (39,67). Par contre, une toxicité accrue a été induite par des doses plus élevées, avec une incidence de radio-nécroses de 2,5% dans les 2 ans post-radiothérapie ou un impact négatif sur la qualité de vie, en particulier du fait d’une fatigue plus importante, d’insomnie et de troubles émotionnels.
Par conséquent, la radiothérapie est actuellement à utiliser uniquement en cas d’échappement thérapeutique à la suite de chirurgie(s) et chimiothérapie(s), à plus faible dose et focalement - hormis dans certains cas d’épilepsies rebelles, puisque l’irradiation pourrait permettre un contrôle de ces dernières (62).
Enfin, à souligner que l’essai RTOG 9802 a comparé la radiothérapie seule versus radiothérapie associée à une chimiothérapie par PCV (68). Dans le bras radiothérapie seule, étant donné que deux-tiers des patients ont secondairement reçu une chimiothérapie en raison d’une progression, cette étude peut finalement être considérée comme une comparaison entre chimiothérapie précoce versus chimiothérapie à la progression. La survie sans progression a été améliorée, mais pas la survie globale. Néanmoins, au delà de 2 ans, l’adjonction d’une chimiothérapie par PCV à l’irradiation a réduit le risque de décès de 48% et le risque de progression de 55%, suggérant un effet retardé de la chimiothérapie. La toxicité de grade NCI 3-4 était toutefois plus importante chez les patients traités par radiothérapie et chimiothérapie (67% versus 9%).

* 6. Vers une stratégie thérapeutique personnalisée et sérielle

La prise en charge optimale se doit d’être adaptée au comportement biologique complexe de chaque GDBG. Dans la littérature classique, la vaste majorité des études a investigué le rôle d’un seul traitement pris isolément (rôle de la chirurgie, de la chimiothérapie ou de la radiothérapie) sans vision globale de l’ensemble de la stratégie. Le but est désormais d’évoluer vers une vision holistique, basée sur l’anticipation d’une approche multi-thérapeutique individualisée et à long-terme, avec adaptation en temps-réel de la stratégie au fils des ans via le retour clinique, radiologique et histo-moléculaire rendu possible grâce à une surveillance régulière ad vitam aeternam. Une telle attitude dynamique remet en question la prise en charge traditionnelle, et ce à plusieurs égards : en proposant un traitement précoce, en répétant les thérapeutiques (par exemple de 2 à 4 résections chirurgicales espacées de plusieurs années, ou des périodes de chimiothérapie entrecoupées de phases de simple surveillance, etc) ; en modifiant "l’ordre classique" des traitements (par exemple, chimiothérapie néoadjuvante préopératoire suivie de chirurgie large, pas de radiothérapie précoce, etc) ; et ce dans le but ultime d’optimiser à la fois les médianes de survie et la qualité de vie. En ce sens, au delà du ratio bénéfice/risque de chaque traitement considéré isolément, l’impact de la stratégie thérapeutique globale sur le temps cumulatif de qualité de vie optimale versus le temps de transformation maligne devrait être systématiquement pris en considération - et pas uniquement la survie indépendamment du statut fonctionnel du patient. En d’autres termes, la prise en charge individualisée devrait se baser sur la compréhension des interactions entre l’histoire naturelle du GDBG, des mécanismes de neuroplasticité réactionnels et de la modulation onco-fonctionnelle induite par les thérapies multiples (Figure 3) (21,26).
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Figure 3 : Organigramme de prise en charge des GDBG (modifié, d’après 21)