Métastases cérébrales

, par  Philippe Meneï, Philippe Metellus, Rogatien Faguer, Sébastien Boissonneau , popularité : 3%

VI. Suivi post-opératoire

*1. Surveillance post-opératoire

Surveillance clinique
La surveillance des patients venant d’être opérés est réalisée initialement en salle de surveillance post interventionnelle (ou « salle de réveil »). C’est à ce moment que l’anesthésiste et le chirurgien s’assurent que le réveil du patient s’effectue sans problèmes. En cas de retard de réveil ou de déficit neurologique inattendu, un scanner cérébral en urgence doit être réalisé. Une fois le patient correctement réveillé il séjourne 24 à 48 h en unité de surveillance continue ou en réanimation.

*2. Complications possibles

Plusieurs types de complications sont possibles après l’exérèse d’une MC

L’infection
Dans une étude ayant inclus près de 3000 patients, Korinek et al. ont démontré que l’infection du site opératoire a touché 4 % des patients ayant eu une craniotomie. Elle s’est manifestée dans la moitié des cas sous la forme d’une méningite (50%). L’infection s’est également manifestée par une infection cutanée (25%), par un abcès cérébral (15%), ou par une ostéite du volet (12%)[33]. Dans la même étude, les auteurs ont démontré que la fuite de LCR postopératoire, les ré-interventions et les interventions de plus de 4 h sont des facteurs de risques significatifs d’infection. L’absence d’antibioprophylaxie n’a pas augmenté significativement le nombre de sepsis postopératoire. Le diagnostic de méningite postopératoire est souvent difficile. Il doit être évoqué en cas de fièvre mais aussi chez tout patient présentant des troubles de la vigilance. Un scanner cérébral sans et avec injection doit être réalisé en urgence préalablement à la ponction lombaire. La définition de méningite nosocomiale faite par Lozier et al. en 2002 est[34] :
-  Leucocytes dans le LCR >100/mm3
-  Protéinorachie > 0,4 g/L
-  Glycorachie/glycémie < 0,5
En cas de méningite nosocomiale, une bi-antibiothérapie probabiliste anti staphylococcique doit être immédiatement débuté[35] :
- Cefotaxime : 150 à 200 mg/kg/24h IVSE ou en doses répétées x6/24h
- Vancomycine : 30-45 mg/kg/24h avec pour objectif une vancocinémie à 15-20 µg/mL
Ce traitement sera à adapter à l’antibiogramme.

L’hématome postopératoire
La survenue d’une hémorragie intracrânienne après l’exérèse d’une MC est un événement gravissime pouvant mener jusqu’au décès du patient. Il s’agit classiquement d’hématome du foyer opératoire mais la constitution d’un hématome sous sural aigu ou d’un hématome extra dural est également possible. Plusieurs facteurs de risques sont identifiés[36] :
-  Les antécédents médicaux : hypertension artérielle (HTA), diabète, angiopathie amyloïde, artériosclérose
-  Les traitements anti coagulant ou antiagrégant plaquettaires
-  Les facteurs hématologiques : thrombopénie < 100 000 plaquettes/μL
-  Les facteurs peropératoires : mauvais installation du patient, pertes sanguines>500ml, HTA (160/90 mmHg)
-  Les facteurs postopératoires : HTA

L’œdème postopératoire
Les MC sont généralement responsable d’un volumineux œdème péritumoral qui est souvent aggravé par l’intervention. Les manifestations cliniques de cet œdème apparaissent 24 à 48h après la chirurgie et se traduisent très souvent par une somnolence ou par la majoration d’un déficit neurologique focal. Un scanner cérébral doit être réalisé pour éliminer une autre complication telle qu’un hématome post opératoire. Si les corticoïdes n’avaient pas été introduits dès la sortie du bloc opératoire, ils doivent être débuté rapidement. Ils sont efficaces en 24-48h et permettent une diminution des céphalées et une amélioration neurologiques[37]. La posologie quotidienne post opératoire est généralement de 100 mg de prednisone et sera prescrite selon l’état clinique avec une recherche de la dose minimale efficace[38].

L’épilepsie

La survenue de crises d’épilepsies est très fréquente en cas de MC. Durant la période péri- opératoire il est recommandé d’instituer un traitement anti épileptique. Il n’y a par contre pas d’indication prophylactique chez les patients n’ayant jamais présenté de crises d’épilepsie[39].
En cas de première crise avant l’intervention, un traitement anti- épileptique doit être débuté et poursuivit après la chirurgie. Dans ce cas, le lévéracitam (Keppra®) est préféré à l’acide valproïque (Dépakine ®) ou à la carbamazépine (Tegretol®) qui sont des traitements inducteurs enzymatiques[40].

La thrombose veineuse profonde (TVP)
Le cancer est un grand pourvoyeur de complications thromboemboliques comme c’est le cas dans les cancers bronchopulmonaires. Environ 7,3 à 13,6 % de ces patients vont présenter une TVP [41, 42], particulièrement en cas de carcinome bronchique non à petites cellules ou de traitement par chimiothérapie [41]. L’anticoagulation à dose préventive par une héparine de bas poids moléculaire (HBPM) doit être envisagée en cas d’antécédent de TVP ou d’alitement prolongé. Lorsque l’anticoagulation à dose curative est justifiée pour traiter une TVP, les HBPM doit également être préférée aux anticoagulants oraux[43].

*3. Éléments de surveillance immédiate et à distance de l’acte

Surveillance immédiate
La surveillance immédiate repose sur l’évaluation neurologique du patient par des examens cliniques répétés dans une unité de surveillance continue. Devant des difficultés de réveil ou l’apparition d’un déficit neurologique, un scanner cérébral doit être réalisé en urgence. En présence d’un coma sans lésions nécessitant une ré-intervention un capteur de pression intracrânienne doit être mis en place. La surveillance des paramètres vitaux est également réalisée à l’aide d’un monitoring de la tension artérielle, de la fréquence cardiaque et de la saturation périphérique en oxygène. Pour rappel, la tension artérielle ne doit pas dépasser 160/90 mmHg au risque de favoriser l’apparition d’un hématome du foyer opératoire[44]. Après les 24 premières heures passées dans une unité de surveillance continue le patient peut aller dans une unité de soins conventionnelle. La durée d’hospitalisation varie selon l’âge et les comorbidités du patient et les habitudes des différents centres mais est en général de 5 à 7 jours après la chirurgie.

Surveillance à distance
Les MC sont par définition des tumeurs cérébrales issues d’une tumeur primitive relevant d’une autre spécialité d’organe. Si le cancer primitif est connu le patient est revue 2 mois après l’intervention avec une IRM cérébrale de contrôle. Si le cancer n’était pas connu alors le patient est vue une première fois en consultation d’annonce en présence d’une infirmière spécialisée et une seconde fois à 2 mois avec une IRM cérébrale de contrôle. La prise en charge et le suivi ultérieur se font donc en collaboration avec le spécialiste de la tumeur primitive (pneumologue, le gynécologue, le dermatologue…) le radiothérapeute et l’oncologue. Une IRM cérébrale est réalisée tous les 3 mois.

*4. Résultats de l’acte

L’intérêt d’un traitement chirurgical, au delà de l’aspect carcinologique ou diagnostic est également de permettre une amélioration de l’état neurologique du patient. Cette amélioration est observée chez 84 % des patients ayant eu une exérèse complète[45]. Une fois l’intervention réalisée, le dossier est de nouveau discuté en RCP afin d’organiser le traitement adjuvant en fonction des résultats anatomopathologiques. C’est au cours de cette réunion que seront validés les traitements par radiothérapie conventionnelle, radiothérapie stéréotaxique, chimiothérapies ou thérapies ciblées.