Adénomes hypophysaires

5.2 Chirurgie

La technique fait l’objet d’un chapitre spécifique auquel le lecteur peut se rapporter.

Le prolactinome

En raison du caractère cytostatique des traitements médicaux, dans les cas de microadénomes ou petit macroadénomes enclos, la chirurgie peut être proposée comme alternative thérapeutique car la chirurgie pourra être curatrice évitant d’éventuels effets secondaires ou l’incertitude d’un traitement de longue durée. Dans ces formes spécifiques, le taux de guérison avoisine les 90% pour un risque opératoire notamment d’insuffisance antéhypophysaire faible (inférieur à 5%) 71. Les rares cas de résistance au traitement médical (5 à 10%) 78 et les microadénomes GH-PRL sont aussi des indications chirurgicales. La chirurgie des micro-prolactinomes est délicate, nécessitant une expérience chirurgicale hypophysaire importante, à l’instar de la maladie de Cushing.
Pour les autres macroadénomes, la chirurgie a comme indications la résistance au traitement médical observée dans moins de 10% des cas (la réduction tumorale restaurera la sensibilité aux agonistes de la dopamine dans la grande majorité des cas, 59 et les apoplexies pituitaires (ramollissement hémorragique intratumoral) avec troubles visuels. Parfois, la tumeur a détruit les enveloppes ostéodurales et la « fonte » tumorale peut être à l’origine d’une fistule de LCS. Une chirurgie de réparation ou mieux préventive peut se discuter, mais dans les faits, les indications sont rares. Dans les cas de tumeurs invasives, la gestion de ce risque de fistule peut être faite en utilisant une faible posologie permettant de conserver un résidu tumoral non compressif, obturant la selle turcique.

L’adénome somatotrope
Sur le plan thérapeutique, en raison de la morbidité et de la mortalité associées à l’hypersécrétion de GH, toute acromégalie doit d’être traitée (l’algorithme de prise en charge est résumé dans la figure 4).

La chirurgie se discute en première intention, comme seul traitement capable de guérir le patient rapidement et la décision fonction de l’envahissement des loges caverneuses. En l’absence d’envahissement de celle-ci, la chirurgie représente le « gold-standard ». S’il existe un doute sur l’invasion, une chirurgie sera proposée au patient en expliquant le risque d’échec. Elle est la règle lors de troubles visuels même en cas d’envahissement des loges caverneuses car les traitements médicaux sont longs à agir et la réduction du volume tumoral est moins importante que celle des prolactinomes sous agoniste de la dopamine. En cas d’invasion évidente, l’attitude dépendra du volume tumoral. En effet, si le volume est important (2 à 3 cm), l’hypersécrétion de GH sera difficile à contrôler rapidement avec le seul traitement médical ; dans ces conditions une réduction volumétrique première sera discutée, car la réduction tumorale préopératoire permet de réduire les délais de contrôle de la maladie.
Pour le chirurgien, une attention particulière sera portée sur le trajet des carotides (dans leur portion C5 paraclinoïdienne) ayant tendance à revenir sur la ligne médiane (« Kissing arteries ») entrainant un risque vasculaire supplémentaire 27. L’anatomie nasale est aussi particulière avec des structures hypertrophiées et rigides. Une résection du cornet moyen peut être nécessaire pour « passer », améliorant aussi la perméabilité de la fosse nasale et le confort respiratoire des acromégales.

Les résultats de la chirurgie sont inversement corrélés aux taux pré-opératoires de GH, au volume tumoral, à l’envahissement des loges caverneuses et à l’expérience du chirurgien 7. Les taux de guérison postopératoire sont de l’ordre de 80% pour les micro ou macroadénomes enclos, mais chutent à 40-50% pour des macroadénomes intra et extrasellaires 10.

Le traitement médical préopératoire peut améliorer les conditions anesthésiologiques (difficultés d’intubation, insuffisance cardiaque), mais il persiste une controverse quant à son utilité pour optimiser le taux de guérison chirurgical 57.

L’adénome corticotrope

Sur le plan thérapeutique, l’objectif est de supprimer l’hypersécrétion corticotrope, fusse au prix d’un déficit antéhypophysaire et de traiter les complications.
La chirurgie est le traitement de première intention. Elle doit être réalisée par un neurochirurgien spécialisé en chirurgie hypophysaire qui réalisera une adénomectomie élargie ou une hémi-hypophysectomie. Pour ce faire, il enlèvera l’adénome et une zone d’antéhypophyse juxtatumorale pour s’assurer d’une exérèse complète. Il s’agit de la chirurgie hypophysaire qui requiert le plus d’expérience. Dans presque un tiers des cas, le chirurgien opérera l’hypophyse sans image visible sur l’IRM pré opératoire 68. Il pourra être aidé dans sa recherche de la tumeur par un examen extemporané réalisé par un pathologiste hypophysaire expérimenté.
Le meilleur critère de guérison postopératoire est l’inertie corticotrope qui peut se prolonger plusieurs mois voir une année après la chirurgie. En effet, la tumeur enlevée, les cellules antéhypophysaires normales qui ont été freinées par l’hypersécrétion de cortisol resteront quiescentes pendant un laps de temps non prévisible. L’éducation thérapeutique s’avère donc essentielle, le patient étant désormais en insuffisance corticotrope. Le taux de guérison après chirurgie trans-sphénoïdale est d’environ 75-80% dans les microadénomes 68.
Cette phase postopératoire est difficile pour tous les patients ayant eu l’habitude de vivre avec un excès de cortisol ; le retour à un taux normal s’accompagne d’une grande asthénie, voire d’une dépression. Il convient d’en prévenir les patients, d’établir un soutien psychologique et de ne pas recourir à l’augmentation des doses d’hydrocortisone.

L’adénome thyréotrope

Il persiste une controverse mais schématiquement les formes intrasellaires encloses sans envahissement des loges caverneuses ou avec des troubles visuels sont chirurgicales et les autres indications sont discutables 76.

Les adénomes hypophysaires non sécrétants ou non fonctionnels (gonadotropes et « silencieux »)

Sur le plan thérapeutique , il n’y a pas de traitement médical efficace. En cas de troubles visuels, l’indication chirurgicale est indiscutable avec 90% d’amélioration ophtalmologique sauf atrophie compatibles avec une vie personnelle et professionnelle normale 50. L’insuffisance hypophysaire partielle récupère dans environ 25% des cas avec une morbidité d’environ 15% (13% de déficit antéhypophysaire, moins de 10% de diabète insipide) 50. En cas de déficits endocriniens sans troubles visuels ou d’incidentalome (découverte fortuite), l’indication chirurgicale est discutée : Si l’adénome menace les structures optochiasmatiques, une option chirurgicale est proposée aux patients et s’il n’existe pas de menace, un contrôle IRM à 6 mois puis annuelle est préconisée pour dépister une évolutivité, avec parallèlement surveillance ophtalmologique. La décision est partagée avec le patient, sachant que les résultats sont meilleurs si l’on intervient tôt avec dans notre expérience une absence de complications visuelles chez les patients indemnes en pré opératoire 51.
En cas de résidu (20 à 30% de résidus tumoraux postopératoires 50 ou de récidive postopératoire, la décision de traitement complémentaire discuté en RCP spécialisée en pathologie hypophysaire repose sur :
- Des critères anatomiques : volume et localisation du résidu. Une menace persistante sur les voies optiques, un volume important ou l’espoir d’une chirurgie complète pourra faire discuter une réintervention par voie basse ou haute.
- Des critères anatomopathologiques. Si l’adénome est « atypique » ou grade 2b selon les récentes classifications, un traitement complémentaire sera discuté, surtout si le patient est jeune
- De l’âge et du contexte clinique. Il est certain que chez le sujet jeune où l’objectif est le contrôle du résidu sur des décennies, la tendance sera d’être plus « agressif » que chez le sujet âgé. Néanmoins il convient sans doute de ne pas se « précipiter » vers une décision de radiothérapie, notamment dans les cas de résidus intra-caverneux. En effet nombre de résidus restent stables ou n’augmentent que 4 à 5 ans plus tard.

Les adénomes atypiques ou carcinomes hypophysaires
Les indications d’interventions itératives que cela soit sur le site primaire ou sur les métastases se discutent au cas par cas en RCP multidisciplinaire.

L’apoplexie pituitaire
Le traitement reste sujet à controverse et a fait l’objet d’une conférence de consensus par la société anglaise d’endocrinologie 60. Un transfert dans centre de référence hypophysaire est la règle. La controverse porte sur la question « indication chirurgicale ou traitement conservateur » car la littérature est confuse sans étude randomisée. Schématiquement, sera considéré pour la chirurgie par voie trans-sphénoïdale : en urgence, un patient ayant des troubles visuels sévères (AV, CV) ou des troubles de la vigilance (compression hypothalamique ou hydrocéphalie) mais l’intervention peut être différée de quelques heures car elle doit être faite par un neurochirurgien référent. En semi-urgence, le patient qui a des troubles importants (AV, CV), s’aggravant ou restant stables après un recul de quelques jours (maximum 8 jours). La persistance de céphalées importantes et résistantes aux traitements médicaux peut faire discuter d’une chirurgie donc l’action antalgique est spectaculaire. Les paralysies oculomotrices ne sont pas des indications en l’absence de problème d’AV ou de CV.