Myélopathies cervicales
*II- IMAGERIE
**1- La radiologie simple
Les radiographies standards restent d’actualité malgré le développement de l’imagerie moderne (figures 1, 2, 3).
Celles-ci doivent comporter des incidences de face, de profil, de trois quarts et surtout des clichés dynamiques de profil qui ne peuvent pas être facilement obtenus avec le scanner et/ou l’IRM.
Elles permettent une appréciation globale des dimensions du canal rachidien et de dépister l’existence d’un canal étroit constitutionnel, facteur prédisposant aux myélopathies cervicales (52) :
le diamètre antéro-postérieur du canal rachidien mesuré entre le milieu du mur postérieur et le point le plus rapproché de l’apophyse épineuse est égal ou inférieur au diamètre antéro-postérieur du corps vertébral : indice de Pavlov (67).
présence d’une platyspondylie avec élargissement du diamètre antéro-postérieur du corps vertébral
les massifs articulaires se projettent sur la partie postérieure des corps vertébraux.
Elles mettent en évidence les lésions caractéristiques de la cervicarthrose prédominant au niveau des disques C5/C6, C6/C7 et C4/C5, et précisent le nombre d’étages impliqués. Il est visualisé :
une hypertrophie des massifs articulaires
une ostéophytose des articulations postérieures, des plateaux vertébraux et des articulations unco-vertébrales
un pincement du disque intervertébral
des ossifications ligamentaires.
Des troubles de la statique vertébrale sont objectivés : perte de la lordose physiologique, inversion de courbure, spondylolisthésis dégénératif et sur les clichés dynamiques une instabilité le plus souvent en flexion. Une pathologie telle que la séquelle d’un traumatisme cervical ou des facteurs favorisants comme un bloc cervical congénital peut être associée.
Il était classique, autrefois, d’effectuer sur ces clichés les mensurations du canal rachidien en corrigeant l’agrandissement radiologique ; ceci a perdu son intérêt aujourd’hui, ces mensurations étant effectuées sur le scanner.
**2- Tomodensitométrie
Examen de référence pour l’étude du canal rachidien, sa précision dans cette pathologie est évaluée dans certaines études entre 70 et 90% (24). L’acquisition est faite en coupe fines jointives ou en spirale continue après injection intraveineuse de produit de contraste. On étudiera les coupes horizontales et les reconstructions sagittales et coronales en fenêtre osseuse et « parties molles ». Les dimensions du canal rachidien dont les valeurs moyennes ont été établies depuis de nombreuses années (15) seront mesurées. (Tableau 3)
On parle de canal étroit ou rétréci lorsque le diamètre antéro-postérieur au niveau des lésions maximales (C5/C6 ou C6/C7) est inférieur à 12 mm.
Tous les signes radiologiques observés sur les radiographies standards sont ici retrouvés avec plus de précision (figure 4, 5, 6) :
sur les coupes horizontales : les discopathies (« molles » ou calcifiées), l’hypertrophie des massifs articulaires, l’arthrose interapophysaire postérieure et les calcifications ligamentaires,
et sur les reconstructions : les troubles de la statique rachidienne et les spondylolisthésis dégénératifs.
Mieux que la radiologie conventionnelle, le scanner apprécie les éléments constitutifs de la sténose canalaire :
canal étroit constitutionnel
lésions en relation avec la cervicarthrose
hernies « molles »
kystes articulaires, et pathologie associée.
L’ossification du ligament longitudinal postérieur est facilement mise en évidence en arrière des corps vertébraux dont elle est le plus souvent séparée.
Les clichés dynamiques sont de réalisation difficile, mais des coupes peuvent être réalisées en extension ou en flexion en interposant des coussins sous les épaules ou sous la tète.
Le scanner rachidien cervical permet en outre d’opposer les sténoses centrales associées à une sémiologie médullaire (sous lésionnelle) prédominante et les sténoses latérales associées à une sémiologie radiculaire (lésionnelle) prédominante aux membres supérieurs.
**3- IRM
L’IRM est l’exploration paraclinique de choix (2, 6). Elle permet d’étudier les parties molles et le retentissement de la sténose sur la moelle elle-même.
En comparaison aux constatations peropératoires, la précision de l’IRM dans l’évaluation des lésions a pu être estimée à près de 90% (11).
Elle doit comporter des acquisitions en séquences T1 et T2, en coupe sagittale, coronale et horizontale. Il n’est pas habituellement nécessaire d’injecter d’agent paramagnétique (gadolinium). (figures 7, 8, 9, 10)
Comme sur le scanner, il est possible d’effectuer les mensurations du canal rachidien. L’IRM précise l’étendue de la sténose permettant d’opposer les sténoses segmentaires limitées à un ou deux étages et les sténoses étendues ainsi que le siège des contraintes mécaniques maximales antérieures ou postérieures avec une incidence sur le choix de la technique chirurgicale. Elle peut sous estimer les lésions ossifiées.
Si une instabilité a été observée sur les clichés simples, il est possible de réaliser des séquences dans les positions où se produit l’instabilité.
La fréquence des atteintes dégénératives varie selon le niveau : C2/C3 : 25%, C3/C4 : 14%, C4/C5 : 25%, C5/C6 : 56%, C6/C7 :44% (15).
Les séquences T1 apprécient la morphologie de la moelle qui apparaît le plus souvent déformée et atrophique en regard des saillies disco-ostéophytiques ou de l’hypertrophie du ligament jaune. Les espaces sous arachnoïdiens en hyposignal sont difficiles à analyser car confondus avec les structures ligamentaires elles aussi en hyposignal. Les calcifications discales et ligamentaires ainsi que les ostéophytes peuvent être à l’origine d’artéfacts exagérant les hyposignaux. L’ossification du ligament longitudinal postérieur apparaît comme un hyposignal plus ou moins épais et étendu à la face postérieure des corps vertébraux en avant de la moelle.
Les séquences T2 sont les plus utiles en permettant l’étude du LCS qui apparaît en hypersignal. Il est habituel d’observer un amincissement voire une disparition des espaces sous arachnoïdiens antérieurs ou postérieurs et un hypersignal centro-médullaire au niveau du siège maximal et de la compression et au niveau des métamères sus jacents. La signification de cet hypersignal est mal connue. Il s’agit probablement d’un œdème médullaire en relation avec les microtraumatismes répétés. Pour certains, il n’est pas corrélé avec la gravité de l’atteinte neurologique. Sans signification pronostique, il peut disparaître après le traitement chirurgical (69) A l’inverse de ce que l’on observe dans les traumatismes médullaires aigus et sévères où cet hypersignal évolue soit vers un une cicatrice gliale hypointense en T1 ou une cavité syringomyélique. Néanmoins, d’autres études sont en faveur d’un lien entre l’anomalie de signal en T2 et le pronostic fonctionnel postopératoire (50). L’hyposignal médullaire en T1, que l’on peut aussi observer dans les myélopathies cervicales est le plus souvent non réversible après la chirurgie et associé à un moins bon pronostic fonctionnel (53).
Dans certains cas, l’hypersignal intra-médullaire mis en évidence par l’IRM présente un aspect caractéristique dit « Snake-eye » (deux petites zones d’hypersignal dans la substance grise). Ce dernier correspondrait à une nécrose kystique secondaire à la compression mécanique et l’engorgement veineux. La destruction de la substance grise dans la corne antérieure qui en résulte rendrait compte d’une récupération motrice au niveau des membres supérieurs de moins bonne qualité (59).
Dans l’évaluation préopératoire, les informations apportées par les séquences T2 sont suffisantes pour faire le diagnostic et permettent d’omettre les séquences T1 (72).
**4- Myélographie et myéloscanner
La myélographie et le myéloscanner ne sont indiqués que lorsque l’IRM est impossible ou contre-indiquée. Ces explorations peuvent être complémentaires à cette dernière (78). Ils objectivent le diamètre du canal rachidien, les éléments compressifs antérieurs et postérieurs de topographie médiane ou paramédiane (figures 12, 13) .
La compression peut être suffisante pour entraîner une interruption de la colonne opaque au siège maximal de la sténose.
Les coupes horizontales permettent d’évaluer les dimensions de la moelle qui peut apparaître atrophique ainsi que les modifications de sa forme : face antérieure concave, déformation en V ouvert en avant, refoulement en arrière par les proliférations ostéophytiques qui peuvent sembler s’encastrer dans le cordon médullaire. Les clichés tardifs peuvent opacifier une cavitation intramédullaire pseudosyringomyélique.
La myélographie permet de réaliser des clichés dynamiques. La saillie des discopathies est majorée en flexion, celle du ligament jaune en extension. En cas d’instabilité elle permet d’objectiver l’aggravation d’un spondylolisthésis en flexion et son retentissement sur le diamètre du canal rachidien.
Dans certaines études, le taux de précision du myéloscanner dans le diagnostic de compression radiculo-médullaire cervicale est supérieur à 80% (86).